Isa 2 Paris

Auteur : Yves Hughes

Chez :

TAXIDERMIE ET MORT-AUX-RATS

Lukas est taxidermiste. Il reçoit une commande très spéciale. (extrait)
- Pardon ? Vous voulez dire que...
Les deux vieux le fixaient en souriant.
- Attendez attendez. Vous voulez que j'empaille ?...
La réponse claqua dans le silence trop épais du salon.
- Lui : mon Léonce.
- Elle : ma Charlotte
(fin de l'extrait)

L'ouvrage commence comme un polar et ça finit comme un thriller. Au fil des pages, le roman gagne en profondeur. Après les amabilités de surface, on s'immerge dans un huis clos qui devient vite étouffant. Le meilleur est à la fin : suspiscion, combat larvé, dûperie, duplicité, mensonges et mort-aux-rats, entre ceux qui ne veulent plus mourir et celui qui attend leur mort. Et en prime, du sexe !

Auteur : Jack Kerouac

Chez : Stock

TOUT PASSE, TOUT CASSE, TOUT LASSE

Né pour mourir. Ma phrase préférée. Ecriture poétique, personnages fantômatiques, le quotidien de junkies en miettes, oubliés sur les franges du Tiers-Monde. Je retiendrai encore la manière dont Kerouac raconte l'aurore mexicaine, avec les châles bleu pâle des femmes et les ponchos violets. C'est très esthétique, les mots créent des images délavées, floues, qui dansent sur notre rétine. La morale de l'histoire est une anti-morale. Si on aime quelqu'un, il ne faut pas attendre, dans cette espèce d'adoration fervente et muette. N'oubliez pas, TOUT PASSE. Ma conclusion (celle qui m'arrange, celle que je veux bien comprendre du bouquin) : attrape-la si tu peux et si tu l'aimes, baise !


- Nous ne vivons que pour mourir, nous attendons chacun à notre étage, et là-haut dans le ciel il y a tout ce caramel doré, j'ouvre la porte - le ciel est un Diamant Sutra.
- Je continue mon chemin, j'ai la démarche d'un homme saoul et malheureux , c'est dur, je heurte le trottoir glissant, dangeureux, de l'huile végétale Tehuantepec s'est répandue par terre, le sol est verdâtre, envahi de germes qui grouillent invisibles - comme si des cadavres de femmes étaient cachés dans mes poils, sur ma poitrine entre le sandwich et la peau.
- Depuis le commencement des temps et jusque dans l'infini du futur des hommes ont aimé des femmes sans le leur dire et le Seigneur les a aimés sans le leur dire, et le néant n'est pas le vide puisqu'il n'y a rien avant. Es-tu là, Dieu étoilé ? Elle est affaiblie, la pluie fine qui avait brisé ma sérénité.
- Des gens commencent à passer par là en route vers leur travail, bientôt la lumière pâle va révéler les incroyables couleurs du Mexique, les châles bleu pâle des femmes, les panchos violet profond, les lèvres des passants vaguement rosées dans tout ce bleu de l'aube.

Auteur : Ebine Yamaji

Chez : Asuka (édition de mangas)

Love my life est le premier yuri à être publié en France. On qualifie de yuri un récit traitant de l'homosexualité féminine, pendant du yayoi qui met en scène des relations amoureuses masculines.
Yamaji Ebine est une jeune mangaka très prometteuse dont la délicatesse et la justesse de ton nous familiarise avec l'univers des jeunes homosexuels. Un plébiscite pour le droit à la différence beaucoup plus efficace qu'un discours pontifiant ou une gay-pride car on est dans une vraie proximité avec les personnages de ces deux albums. Et le trait est superbe, fin, aéré, dépouillé ce qui fait ressortir les expressions des personnages. Qui n'en sont (font) que plus vrais.
Lire aussi : Sweet Lovin Baby, du même auteur

Auteur : Vivien Kelly

Chez : Belfond

JE SUIS UN RENNE

Jubilatoire. Franchement cet adjectif n'est pas exagéré. D'avoir retrouvé un état de book-addicted me fait plaisir. Cela faisait bien longtemps... Adulte, c'est difficile de se livrer tout entier à un livre, de se laisser captiver en profondeur, en oubliant le monde extérieur. Peut-être sommes-nous rattrapés par nos soucis, peut-être que l'on n'arrive jamais à débrancher notre cerveau qui, en filigrane de la lecture, est assailli de pensées diverses et variées. Le matin, on pense à tout ce qu'on a à faire dans une journée, le soir on fait un genre de débriefing, on rembobine le film de la journée et on fait quelques arrêts sur image. Révélateur : quand je suis avec un livre, souvent je compte les pages qu'il me reste à lire. Je saute un chapitre pour y revenir plus tard, parce qu'il m'ennuie, je me laisse distraire, je lève le nez. Avec ce livre-là, ce fut différent. Je parle de faire corps avec un livre à tel point qu'on ne veut pas le quitter, qu'on est impatient de rentrer chez soi pour continuer la lecture, qu'on mange avec, le nez rivé sur les pages et les doigts tatônnant à la recherche de quelque nourriture substantielle qu'on engloutira sans y penser. Un état rare où nous perdons conscience de ce qui se passe autour de nous. On pourrait utiliser, fort à propos, la phrase suivante : "le monde pouvait bien s'écrouler, il n'en avait pas conscience". Bref, parlons un peu de ce livre. C'est le premier roman, "sensible, drôle et attachant" (ce n'est pas de moi mais je confime) d'une jeune anglaise née en 73. Elle y brosse le portrait de Sam Glass, qui travaille dans la pub à Soho (Londres), vit en colocation, travaille comme un damné la semaine, est harcelé par sa chef et boit comme un trou le vendredi pour décompresser. On rentre ainsi dans l'intimité de Sam mais aussi de tous les personnages qui gravitent autour, on est au pub ou dans l'appart ou au bureau avec eux. On est de la fête !
L'histoire, c'est que Sam Glass n'aime pas sa vie, se sent déjà vieux à 25 ans, perd ses cheveux, n'a pas de love affair et est terrorisé à l'idée qu'il pourrait bien faire et finir sa vie ainsi. Alors, il prend une décision radicale... Partir loin d'ici avec les pingouins.
Drôle et attachant.

Auteur : Gilles Card

Chez : Métailié

Livre choisi pour :
1. son titre
2. Métailié, la maison d'édition à la salamandre, que je perçois comme alternative et transversale, avec des auteurs qui ne sont pas des extra-terrestres et qui nous offrent des histoires 100% drôles, savoureuses, en résumé des auteurs qui ne font pas de la masturbation intellectuelle.
3. la 4e de couverture. Extrait :
Mac Gregor revient de Moscou où il est allé faire un audit sur des installations industrielles "hors nucléaire" pour le compte de L'Entreprise, une officine des services spéciaux. James Bond sans vocation, il est pris dans des aventures qui le dépassent largement (...) gravement blessé, il est soigné par un chaman qui l'initie aux plantes sub-polaires et Mac Gregor découvre brutalement le plaisir d'être un renne...

La première partie du livre est top ; la seconde partie, un peu répétitive, un peu moins absurde, moins décalée, plus orientée espionnage. Mais ça reste hilarant (de la Baltique).
Paru chez Métailié, suites.
Autres ouvrages du même auteur, chez le même éditeur : Art et pratique du chaos, Question de symétrie, Libera me.